a dernière année opérationnelle de la 34F et de ses Lynx fut loin d'être synonyme de préretraite, bien au contraire. Le rythme fut toujours aussi intense, et les ultimes semaines d'activité de l'unité furent complètement tournées vers ses missions habituelles (lutte ASM, lutte anti-surface, action de l'Etat à la mer, etc.). Durant cette dernière année, la disponibilité machine fut globalement bonne, voire très bonne certains mois, avec un taux de 70%. Ceci offrit aux équipages la possibilité de beaucoup voler. Près de 260 heures de vol pour celui en ayant enregistré le plus, et tout de même 180 heures pour celui en ayant réalisé le moins! D'autre part cette bonne disponibilité permit de poursuivre efficacement la formation des plus jeunes de la flottille. Ainsi dans les derniers jours d'existence de la 34F, un jeune obtint la plus haute qualification sur Lynx, celle permettant de leader une formation mixte de différentes machines.
Mais tout ne fut pas idyllique dans ce tableau. En effet, comme la France entière, la flottille dut affronter la pandémie de Coronavirus.
Covid 19
Cette épidémie submergea l'ensemble des activités du pays, et la Défense ne fit pas exception à la règle. Les problématiques pour les personnels militaires furent les mêmes que celles des civils, problème de garde d'enfants, personnes à risque, etc.
La flottille, pour maintenir son activité tout en respectant les protocoles sanitaires, adopta rapidement un système de rotation hebdomadaire, schématiquement 50% des personnels de la flottille étaient présents sur la BAN de Lanvéoc-Poulmic, quand l'autre moitié restait d'astreinte chez elle. Cette organisation, qui permit de poursuivre l'activité opérationnelle, sollicita énormément les membres de l’unité. Quelques signaux d'alerte permirent de s'apercevoir que les personnels présents au sein de la flottille devaient faire face à un surcroît d'activité de 30%.
Enfin, même si elle ne fut pas intégrée à l'opération Résilience, la 34F aurait été prête en cas de sollicitations à y participer dans le cadre d'évacuations sanitaires au profit de marins embarqués sur des navires.
Mission Narval
Fin janvier 2020, un Lynx embarqua sur la frégate de lutte anti-sous-marine La Motte Piquet, pour ce qui fut la dernière mission opérationnelle de cette FASM. Cette mission dans le Grand Nord, prend habituellement le nom de Mission Narval. Celle-ci conduisit tout d'abord le navire en Mer du Nord au large de Bergen, au sud de la Norvège. L'objectif de cet exercice OTAN était d'entraîner les équipages de sous-marins d'attaque norvégiens aux manœuvres particulières d'entrée et sortie des fjords. La frégate étant mise à contribution en effectuant des pattern pour sécuriser les mouvements du submersible. La mission se poursuivit en remontant vers Narvik, au nord de la Scandinavie. Ensuite La Motte Piquet et son hélicoptère prirent la direction d'Akuyeri au nord de l'Islande. Enfin début avril le navire regagna Brest.
Le détachement Lynx se composait de deux pilotes (dont le chef du détachement), un HELAE (spécialiste hélicoptère d’aéronautique navale), un plongeur, et dix techniciens (dont deux armuriers). Les conditions climatiques extrêmes perturbèrent quelque peu l'activité aéronautique. En effet les changements météorologiques pouvaient s'avérer brutaux, et il arriva que le temps de finir le briefing une tempête de neige s'abatte sur le pont arrière et son hélicoptère et conduise à l'annulation de la mission. Les conditions de mer difficiles jouèrent aussi un rôle important.
Pour l'équipage du Lynx, voler dans cet environnement hostile, mettait encore plus en alerte tous les sens. Subir une avarie loin du bateau, au-dessus d'une mer forte, en pleine nuit dans un froid polaire, n'est pas une perspective enthousiasmante...
Malgré tout, ces déploiements sont appréciés car ils sont l'essence du métier de marin, et ils permettent à certains de se révéler.
A noter que cette mission Narval fut elle aussi écourtée du fait de la Covid 19.
Décorations spéciales pour une révérence grande classe
La flottille 34F, à l'approche de sa mise en sommeil, décida de peindre spécialement deux machines pour marquer cet événement. Les décorations choisies symbolisèrent parfaitement l'histoire opérationnelle, résolument tournée vers le combat, de cette unité et de ses hélicoptères. En effet, plutôt que de partir sur des décorations commémoratives hautes en couleurs ou bariolées, le choix se porta sur l'application des précédents schémas de camouflage du Lynx. Durant sa longue carrière cette machine porta trois camouflages principaux.
Le schéma initial deux tons, blanc sur le dessus et gris foncé pour le reste de la cellule, fut porté lors de la mise en service de l'hélicoptère en 1978 mais disparut progressivement dès 1982. En effet il apparut rapidement que si ce dos blanc était parfait pour se prémunir des risques de collision en vol, il rendait aussi le Lynx bien trop voyant aux yeux de ses ennemis...
Le second camouflage entièrement gris foncé avec «Marine» et numéro de série en blanc fut le schéma standard porté pendant une grosse dizaine d'années, jusqu'à ce que le camouflage à plusieurs tons de gris low-viz prenne la suite. A noter que certaines machines eurent le dos blanc simplement repeint en gris, ce qui donnait le sentiment de l'application de deux tons de gris foncé.
Les deux machines (622 et 273) furent peintes au sein de l'AIA (Atelier Industriel de l'Aéronautique) avec des renforts techniques de la flottille.
Le commandement de la 34F, voulant rendre ces décorations les plus authentiques possibles, se heurta à un problème majeur. Les Lynx dans leurs premières années de carrière portaient des nez noirs, or plus aucun de ces nez n'étaient disponibles au sein de la flottille depuis de nombreuses années. Des recherches tous azimuts furent entreprises pour trouver ces fameux nez, on sollicita même le musée de Rochefort en vain. De précieux appendices noirs furent trouvés à l'AIA de Cuers, malheureusement leur état ne permettait plus de les utiliser. Une solution interne fut trouvée en repeignant deux nez gris en noir. Mais la loi de Murphy tournant à plein régime, ces museaux repeints ne permettaient plus d'utiliser le radar de l'hélicoptère... aussi ceux-ci ne furent-ils montés que de façon ponctuelle afin de ne pas pénaliser l'activité opérationnelle de l'unité.
Ce n'est qu'un au revoir
La 34F, jusqu'aux ultimes heures de son existence, resta opérationnelle en prenant les alertes que lui confia la Marine Nationale, et embarqua même une ultime fois sur une frégate (Latouche-Tréville).
Mais la flottille n'est pas dissoute, elle est simplement mise en sommeil avec la fin de ses fidèles Lynx. En effet, normalement en 2021, la 22S qui forme les jeunes marins au métier de pilote d'hélicoptère devrait reprendre les traditions de la 34F.
Aussi, même si ses personnels prendront tous des chemins différents (la plupart dans l'institution), l'esprit de la flottille et sa devise «Sourire et Vaincre» devrait perdurer pour de longues années.