Se préparer à la «haute intensité». Ce terme que l’on entend aujourd’hui de plus en plus dans divers domaines, est également à la mode au sein des états majors. En l’occurrence pour nos armées, plutôt que de répondre à une mode, il s’agit surtout d’être prêt et de ne pas prendre de retard sur leurs potentiels adversaires. Devant le durcissement des menaces, le CEMA déclarait dernièrement qu’il souhaitait «gagner la guerre avant la guerre». C’est dans ce contexte que l’exercice interarmées de grande ampleur Cormoran 21 s’est déroulé du 27 septembre au 15 octobre en mer et à terre sur les côtes du sud-est de la France.

D’impressionnants moyens déployés

Application idoine et directe de ces consignes, cet exercice est en rupture à plusieurs niveaux par rapport à ce qui s’est fait par le passé. Pour commencer, sa durée: trois semaines non-stop avec seulement un jour de repos. Les moyens engagés sont eux tout bonnement inédits. Deux porte-hélicoptères amphibies (PHA) déployés conjointement avec à leur bord 24 machines de l’ALAT appartenant à la 4ème brigade d’aérocombat (BAC). Dans le détail: le 1er RHC sur le PHA Tonnerre avec Tigre, NH90 et Gazelle chacun au nombre de 4, constitue le groupe aéromobile 1 pendant que les 3ème et 5ème RHC constituent le GAM 35 sur le PHA Mistral. Pour ce dernier, quelques Puma prirent aussi part à l’exercice. En comparaison lors de la mission Harmattan, seul un PHA était déployé avec à son bord 16 machines. Mais également pour protéger et accompagner ces deux bâtiments à haute valeur ajoutée, une FREMM, une frégate, un patrouilleur de haute mer et un ravitailleur. Du côté des agresseurs: au moins un SNA et ponctuellement deux Rafale déployés depuis la base aérienne 125 d’Istres. Sur les côtes à défendre,c’est l’équivalent de 4 bataillons et des systèmes de défense anti-aérienne qui attendent les raids qui seront lancés depuis les PHA.

Beaucoup de nouveautés dans la façon de travailler

Le déroulé de cet exercice s’articule en 3 phases, directement calquées sur les 3 semaines prévues en mer, avec une montée en puissance progressive. Classiquement, la première semaine fut dédiée à la (re)prise de marques à bord des PHA pour les équipages et autres militaires de la 4ème BAC. Tous les équipages présents à bord étaient déjà pleinement qualifiés pour évoluer depuis cette plateforme et volèrent au moins une fois par jour. Toutefois, très peu ont déjà pu pratiquer les décollages et appontages sur un pont rempli de 6 machines et ce encore moins de nuit. Traditionnellement les campagnes de qualification ne durent qu’une semaine et n’impliquent que quelques machines. Ce sont donc des missions de moindre ampleur qui furent initialement programmées avec 2 à 3 hélicoptères par PHA, afin que les automatismes se mettent progressivement en place. Identiquement, l’état major installé sur le Tonnerre est pour la première fois mixte et composé d’une centaine de marins et de terriens. Il apprend à travailler ensemble et à coordonner les actions pour l’intégralité du contingent, de la prise de renseignements jusqu’au bout de la chaine de décisions avec un suivi en temps réel de l’ensemble des plots rouges et bleus dans les trois dimensions.

Des missions complexes et intenses

Outre la logistique nécessaire à cet exercice, les 14 mois de préparation en amont ont servi à bâtir un scénario réaliste et très représentatif de ce que l’on peut observer actuellement dans certaines régions du globe. La force alliée a alors pour mission le suivi et l’endiguement de l’invasion par le nord d’une région amie s’étalant sur l’arc méditerranéen et dont la situation évolue jour après jour. L’état major acceptant de jouer le jeu de ne pas connaitre au préalable l’évolution de la situation, les journées sont dédiées à la récolte et à la capitalisation d’informations en vue de préparer des missions de réaction. Rapidement un premier raid de projection sur les côtes à 2x5 hélicoptères est mis en place de nuit dans la région de Béziers, avec le débarquement depuis NH90 et Puma d’un groupement d’aide à l’engagement amphibie (GAEA) composé d’environ 55 militaires issus de la 6ème brigade légère blindée. Les Tigres HAD alliés aux Gazelle en configuration «viviane» (dont l’effet combiné aux NH90 est très apprécié) assurent la sécurisation de ces déploiements. Le second raid se déroule 3 jours plus tard, cette fois ci à 2x8 machines et consiste à la récupération du GAEA et la destruction de cibles terrestres. Enfin, le 3ème et dernier raid venant clore cette projection de force se déroula du côté de la Corse. Cette zone faisant également partie du scénario mis en place vit débarquer la plus importante et compliquée des missions de l’exercice. Dans la nuit du 13 octobre ce sont 20 machines (sur les 24 disponibles) qui avaient pour objectif de se projeter simultanément de l’ouest vers l’est de la Corse. Au cœur de l’île se trouvait un poste de commandement du groupe aéromobile ainsi qu’une zone d’avitaillement. La base aérienne 126 de Solenzara était l’une des cibles où se trouvait des objectifs à détruire. Des tirs réels de différentes munitions et depuis différentes plateformes étaient au programme de cette dernière sortie, afin de pousser au paroxysme le réalisme de cette mission et conclure en beauté ces 3 semaines d’investissement lourd.

Rester humble, répéter et progresser

Au moment de notre visite (4 et 5 octobre), l’état major nous avouait avoir placé la barre très haute pour ce nouvel exercice jamais réalisé auparavant. D’autant plus qu’un tiers de l’effectif du PHA Tonnerre avait été renouvelé au cours de l’été dans le cadre de la rotation habituelle des équipages. L’édition précédente, 5 ans auparavant, avait permis l’identification d’axes d’améliorations et fait apparaitre de nouveaux besoins plus poussés, tel que la mise en place de cet état major inédit, mixte et unifié. La certitude de pouvoir valider l’ensemble des objectifs fixés était nullement acquise tant du côté de la Marine Nationale que de l’ALAT. Quoi qu’il en soit, la capacité de mise en œuvre de tels moyens (notamment 2 PHA avec 24 hélicoptères) n’est pas à la portée de beaucoup de forces armées dans le monde et la France fait figure d’exception en Europe. La haute intensité semble donc prendre progressivement tout son sens au sein de la préparation de nos forces avec cet exercice Cormoran 21. D’autant plus que les efforts sont répétés, la 4ème BAC enchainant immédiatement avec l’exercice Baccarat à son débarquement des PHA tandis qu’eux auront tout juste le temps de transiter pour prendre part à l’exercice Polaris, événement le plus important de l’année pour la Marine Nationale.


Nous tenons à remercier particulièrement l’état major, les membres de la cellule communication de la 4ème BAC ainsi que de la Marine Nationale pour leur grande disponibilité et générosité au cours de cette journée presse.