EAA, trois lettres qui résonnent à l’oreille de tout passionné d’aviation. En effet chaque année sur le terrain de Wittman Regional à Oshkosh dans le Wisconsin, l’Experimental Aircraft Association organise durant la dernière semaine de juillet ce qu’il est convenu d’appeler le plus grand meeting aérien au monde. En effet il est courant que plusieurs milliers de machines rejoignent cet aérodrome situé à mi-chemin entre les villes de Milwaukee et Green Bay le long du lac Michigan. Cette édition 2022 n’a bien évidement pas failli à la tradition, et c’est même environ 10000 machines volantes qui se sont pressées à Oshkosh. Alors forcément ce nombre considérable concerne en priorité l’aviation légère, car ici c’est l’esprit fly-in et rassemblement entre amis qui prédominent, mais l’aviation de collection et celle militaire sont malgré tout très richement représentées.
Le pays des merveilles
Oshkosh ce sont des avions à peu près partout où porte le regard, mais il y a quelques parkings qui attirent plus l’attention. Les plus notables, et aussi un les plus fréquentés, sont ceux des warbirds. Pour donner une idée du gigantisme de l’EAA, cette année il y avait par exemple pas moins de 23 P-51 Mustang! Un peu plus loin c'étaient plusieurs Corsair qui étaient alignés, dont un qui retenait plus particulièrement l’attention avec sa décoration chatoyante d’un escadron de la Naval Air Reserve Training Unit basé sur le terrain, aujourd’hui disparu, de NAS Glenview en banlieue de Chicago. Pour cette édition 2022, une patrouille «Grumman cats» avait été mise en place, avec un Hellcat, un Bearcat, un rare et sublime Wildcat et enfin un très impressionnant Tigercat. Au B-25, A-26 et sublime B-29, il fallait ajouter des quantités incroyables de T-6 et autres T-28 parés parfois de robes improbables. Mais à Oshkosh, les warbirds ne s’arrêtent pas à 1945, il y a de larges incursions dans le monde du jet, avec des F-86, Mig-17, T-Birds, L39 et même CF-5B! Enfin au détour de parkings il était possible d’admirer quelques raretés comme ce Stinson L-1, un avion de liaison des années 40’ de la taille d’un chasseur de l’époque (15m d’envergure et 10m de longueur). Mais dans le Wisconsin on n’est pas sectaire, et les invités, du moment qu’ils volent, sont les bienvenus, et peu importe qu’ils se posent sur l’eau. En effet sur le lac, non loin du terrain de Wittman, il était possible de profiter de quelques hydravions, comme cet unique Beaver de l’US Forest Service en service depuis 1959!
75 ans de l’USAF
Un des grands thèmes de cette édition 2022 était les 75 ans de l’US Air Force. Sans tourner autour du pot, ce fut une des déceptions de cet AirVenture. En effet bien que les mois précédents, l’Air Force ait parlé de présence massive à Oshkosh, il faut bien avouer que celle-ci eu au final beaucoup de difficultés à trouver l’aérodrome du Wisconsin. Pas un F-22 Raptor, aucun bombardier, pas la moindre pale d’un Hercules ni de rotodôme d’un AWACS ou de boom d’un KC-10…Aussi il vaut mieux s’attarder sur les présents. Durant toute la semaine trôna fièrement sur la Boeing plazza un unique F-16 de la garde du Wisconsin à la décoration complètement anonyme. Toujours sur cette place du nom du constructeur américain prirent place ses productions, KC-135, KC-46 et C-17. Durant la semaine un certain nombre de T-38 et T-6 Texan II vinrent faire quelques apparitions, pour l’occasion avec certains exemplaires aux décorations spéciales bien à propos. Un improbable U-2R vint en début de semaine faire trois remises de gaz au-dessus de la piste d’Oshkosh tandis qu’une très jolie paire de A-10 de la garde de l’Indiana improvisa une petite démonstration. Enfin quasiment quotidiennement un F-35A Lightning II et un C-17A Globemaster III assurèrent une démonstration individuelle. Pour un français habitué aux meetings en Europe, il faut reconnaitre que les programmes des solo display américains sont bien fades, les démonstrations se limitant à des passages lents entrecoupés de passages rapides, et vice versa…Enfin durant la semaine, pour son malheur, le F-35A fut cloué au sol deux jours pour un problème de siège éjectable affectant l’ensemble de la flotte. Ce qui permit à son homologue de la marine sur F-35C (pas concerné par cette interdiction!) de présenter son interprétation d’une démonstration.
La Marine célèbre l’Air Force…
La VFA-125 (Fleet Replacement Squadron au service de l’US Navy et de l’US Marine Corps) dépêcha à Wittman trois F-35C dont deux volaient quotidiennement. Cette version à l’allure beaucoup plus massive que la version A, avec son train renforcé et son envergure plus importante, offrit des prestations beaucoup plus brutales et agressives que son alter ego terrien avec des manœuvres plus serrées, des passages plus rapides et des passages à l’anglaise plus photogéniques. Simple hasard ou désir de célébrer à leur manière les 75 ans de l’Air Force, toujours est-il que l’US Navy proposa aussi une démonstration tactique plutôt punchy de EA-18G Growler. Cette démonstration à deux machines rappelle dans l’esprit ce que l’on peut voir en France avec la présentation Bravo des Mirage 2000D. La surprise d’assister à une présentation d’avions de guerre électronique fut surpassée par celle d’admirer un duo d’E-2C Hawkeye pour une démonstration beaucoup plus sage. Un des pilotes de Hawkeye avait eu l’occasion d’apponter sur le porte-avions Charles de Gaulle, et gardait un souvenir ému de la propreté du bateau et de sa nourriture… Enfin l’USMC participa à la fête avec une paire de MV-22B Osprey dont un réalisa une démonstration, en fait surtout des manœuvres montrant au public le principe du convertible. A ces évolutions il fallut rajouter quasi quotidiennement le Legacy fight à savoir le vol en patrouille d’un ou plusieurs warbirds de la Navy accompagnés d’un ou plusieurs chasseurs modernes.
Une semaine de rêve
Au final une semaine à ne savoir où donner de la tête tant les attractions sont nombreuses. Une manifestation comme seulement les américains peuvent les imaginer et les réaliser. Où dans le monde le propriétaire d’une société (Polaris dans le cas présent) peut décider de venir participer à une conférence sur le vol spatial habité, en venant en Mig-29UB accompagné de 3 L39 et deux Alphajet A de sa société? Ou ailleurs qu’aux Etats-Unis, une dizaine de TB-30 Epsilon encore aux couleurs de l’Armée de l’Air peut voler en patrouille? Pour cette année 2022, AirVenture a battu même son record de fréquentation avec un peu plus de 650000 spectateurs sur la semaine, et il fut comptabilisé 18684 mouvements aériens!
Derrière le rideau
Pour cette première expérience à AirVenture je m’étais joint à une super équipe d’habitués de cette manifestation. Chacun avait plusieurs ‘kosh à son palmarès, le plus «gradé» en avait même déjà douze à son actif! Ces expériences cumulées permirent d’organiser parfaitement le voyage, d’éviter les choses à ne pas faire et de ne quasiment rien rater! Malgré tout, cette semaine à Oshkosh fut une petite aventure, car il faut être prêt à se lever très tôt le matin pour être au terrain dès 7 h, et ne le quitter qu’à 19 h au plus tôt (voire 22 h les soirs de nightshow). Il faut pouvoir marcher une douzaine de kilomètres quotidiennement avec un lourd sac photo. Il faut aussi supporter une météo estivale qui peut parfois être chaude et surtout humide du fait de la proximité du lac Michigan. Malgré tout, AirVenture est une expérience à nulle autre pareille et qui peut s’envisager comme une sorte de pèlerinage que tout passionné se doit de réaliser au moins une fois dans sa vie.