A la lumière de la guerre en Ukraine, l’exercice majeur Orion a pris une signification plus particulière. Mais cet entraînement, prévu de longue date, n'était pas calqué sur la situation à l’Est de l’Europe. En effet, cet exercice préparé depuis plus de 3 ans, et donc avant le début du conflit en Ukraine, se voulait en terme de moyens déployés, le plus important depuis 30 ans.

Développé selon le principe d'un conflit de haute intensité, Orion s’est déroulé en quatre phases étalées sur plusieurs mois. La quatrième phase, à cheval sur les mois d'avril et mai, impliquait très fortement l'Armée de l'Air et de l'Espace.

De gros moyens

Pour cette phase, de nombreux moyens aériens ont été sollicités. Ainsi près de cinquante avions de combat ont été mobilisés. Il faut préciser qu’une partie de ce dispositif était étrangère avec quatre Hornet espagnols opérant depuis leur base de Zaragosa, des EF2000 et Tornado allemands depuis Norvenich et enfin depuis Mont-de-Marsan, quatre Mirage 2000-5 grecs et autant de Rafale indiens.

A ces moyens il fallait ajouter des moyens de transport, de CSAR, de guerre électronique et de ravitaillement en vol. Pour les moyens français, le scénario étant un conflit entre états, chaque unité a opéré depuis sa base aérienne. Cette solution a permis aussi de minimiser le coût logistique du déploiement d’unités sur d'autres terrains. Seuls quelques Rafale B de la 4ème escadre de chasse ont été détachés sur la base landaise.

L’Indian Air Force

La force aérienne indienne a participé au côté de l'Armée de l'Air de façon bilatérale. Un certain nombre de limitations se sont appliquées à l'Indian Air Force du fait qu'elle n'appartient pas à l'OTAN. Ainsi durant Orion, les indiens, par exemple, n’ont pas participé aux missions d’assaut dans l'Est de la France. 

Pour assurer ce déploiement, un contingent d’environ 150 indiens mettait en œuvre quatre Rafale biplace. Une certaine paranoïa entourant ces militaires, les unités d'appartenance des Rafale et autres informations «sensibles» sont inconnues.

Densifier la masse

Avec des problèmes récurrents de ressources (hommes et matériels) couplés à une très forte sollicitation des unités (Opex, Permanence Opérationnelle, Air Policy, etc…), dépasser un seuil d’appareils disponibles pour l’exercice était impossible. Ainsi pour obtenir cette masse correspondant à un conflit de haute intensité, il a fallu faire appel à la simulation. 

Pour se faire le CECC (Centre expert du combat collaboratif) dispose de Jeannette, un outil de simulation très puissant et ambitieux qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans les processus d’entraînement de l’Armée de l’Air. Sans rentrer dans des détails trop techniques, ce système basé majoritairement sur la liaison 16, permet de simuler sur des missions réelles des menaces sol-air où air-air supplémentaires. Les menaces aériennes peuvent même simuler des tirs d’armements. La crédibilité de l’outil est largement démontrée par le fait que certains opérateurs de Jeannette sont d’anciens navigants. Ce centre qui réalisait environ 80 missions simulées par an en 2019, en réalisera plus de 500 en 2023, et dépassera les 800 en 2024. 

Un rythme soutenu

Lors de notre venue sur la BA118, l'exercice battait son plein, cela se traduisait par une activité aérienne très soutenue, plus de 70 missions pouvant se dérouler sur une journée. A noter que la météo calamiteuse sur la France, et plus particulièrement sur la région Grand Est ou se tenait la phase terrestre, ajoutait une difficulté supplémentaire à Orion. Pour le volet aérien, avec des creux de 5 mètres  en mer,  la décision d'interdire les missions avec survol maritime a été prise (surtout dans le cas d'un accident qui nécessiterait une mission SAR). 

Le "conflit" évoluait d'heure en heure sur le terrain, aussi la nuit de notre visite, les forces terrestres bleues subirent une attaque qui enfonça une partie de leur dispositif et les força à se replier. Pour endiguer la percée des forces rouges, une mission aérienne fut diligentée en urgence, et six Mirage 2000D décollèrent de Nancy au milieu de la nuit pour "détruire" des ponts, des infrastructures et autres postes de commandement. Dans la foulée, le matin une grosse mission de 18 appareils bleus fut lancée durant laquelle elle dut faire face à six "red air". Les traits tirés des équipages après ce vol de plus de deux heures et demie traduisaient l'intensité de l'engagement.