Comme chaque année pour les célébrations du débarquement du 6 juin 1944, l'aéroport de Cherbourg Maupertus devint le temps d'une dizaine de jours l'épicentre du transport aérien en France. Cette année, marquant les 80 ans de cet événement historique, voyait une présence américaine encore plus marquée qu'en temps normal.
Les américains ont la mémoire longue et surent célébrer comme il se doit ce tournant du dernier conflit mondial, et participèrent à une multitude d'évènements dans toute la Normandie. Cela allait du survol de lieux emblématiques du débarquement, aux passages en formation lors de cérémonies ou bien encore à des largages massifs de parachutistes un peu partout.
En mission avec l'Air Force
Aujourd'hui nous allons participer à une des nombreuses missions que les aviateurs US réalisent quotidiennement dans toute la région. Déposé au milieu de la marguerite Nord-Est de l'aéroport de Maupertus c'est une vue saisissante que tous ces Hercules parqués dans chacune des alvéoles. Un joli raccourci aussi de la puissance américaine, car ces C-130 viennent des quatre coins du monde. Ceux de Ramstein AB en Allemagne se taillent la part du lion, mais d'autres viennent du Texas, du Kentucky, d'Angleterre, mais aussi de Yokota AB au Japon ou bien encore de Little Rock AFB – Arkansas.
C'est d'ailleurs sur un avion de cette base que nous allons voler, plus précisément un Herk du 62nd AS «Blue Barons» de l'AETC (Air Education and Training Command), une unité chargée de former les nouveaux pilotes mais aussi les loadmaster. Notre responsable de soute est d'ailleurs aussi instructeur, il nous explique que la formation qu'il dispense se déroule sur une durée de neuf à douze mois. Cela peut sembler beaucoup, mais il faut savoir qu'en passant du Hercules (donc jusqu'au modèle H) au Super Hercules (modèle J), l'équipage est passé dans le même temps de cinq à trois, les mécaniciens navigants et navigateurs ayant disparus, une partie de la charge de travail est revenue au loadmaster. Celui-ci gère les masses, le carburant, la soute, les largages, mais aussi les passagers, c'est d'ailleurs lui qui vient nous chercher et nous conduit au pied de l'avion. Celui-ci est resplendissant dans ses couleurs retro, cocardes sans barres rouges et bandes d'invasion.
Dans la machine à laver
A peine monté dans la machine, on est saisi par l'ambiance, c'est encombré, rustique, bruyant et chaud...on va être bien!
Après quelques consignes sécurité dispensées par le loadmaster, tout le monde s'attache et nous quittons le parking pour taxier jusqu'en seuil 28. Le décollage donne le ton du vol à suivre, brutal, violent et inconfortable. En effet à peine les trains rentrés, le Hercules bouge dans tous les sens, tangage, roulis, virage tranche, tout y passe, on va essayer de ne pas vomir...on a sa fierté!
Enfin, après une petite dizaine de minutes de vol, sur ordre du loadmaster, nous fermons les yeux lors de l'ouverture de la rampe pour ne pas les irriter avec le vent qui s'engouffre violemment dans la soute. Puis à la réouverture des yeux, la magie opère, la vue est époustouflante, le sol défile a une vitesse folle car nous volons bas, un autre Hercules vole dans notre queue, c'est sublime.
Alors que nous rejoignons le Mont St-Michel, notre premier point tournant, trois militaires américains harnachés profitent d'un balcon à nul équivalent sur la tranche arrière. Ils doivent se cramponner car notre C-130J enchaine les virages généreux sur l'aile. Au loin d'autres machines nous suivent. Puis nous remontons le long de la côte les grandes plages du Cotentin de Granville à Barneville, et peu avant Flamanville nous virons dans les terres pour rejoindre la côte Est de la Normandie. Enfin nous remontons la rampe, et attaquons la partie tactique du vol. Nous volons encore plus bas, nous voyons les bovins courir effrayés dans les champs que nous survolons. En soute il faut avoir le cœur bien accroché, ça bouge dans tous les sens, et se tenir debout est une véritable gageure. Enfin il est temps de rejoindre l'aéroport de Maupertus, ou l'arrivée se fait avec style comme il se doit, vent arrière puis break bien velu pour tasser tout le monde dans son siège, le toucher des roues étant finalement plutôt un taper de roues qu'autre chose...Le retour au parking rampe ouverte, s'effectue dans les effluves délicieuses de kérozen.
Au final, une expérience aussi éprouvante qu’enivrante.
Une mémoire à préserver
Il est remarquable qu'après tant d'années, l'armée américaine mette toujours un point d'honneur à préserver la mémoire de ce débarquement à sa manière, c'est à dire en force. Même avec la disparition des derniers vétérans il est à espérer que ces traditions perdureront dans le futur. Rendez-vous en 2025!
I would like to thank the USAFE PA team for their fantastic job, and our Blue Barons crew as well, you rock!