Une des missions principales de l'OTAN est d'assurer la protection de l'espace aérien de ses 27 membres européens. Cette mission est actuellement très médiatisée, car régulièrement les interceptions d'avions de combat russes par des chasseurs de l'OTAN font la une des journaux. Même si cette mission de police du ciel ne peut se résumer à ce genre d'interceptions, il faut avouer qu'avec une moyenne annuelle de plus de 450 décollages sur alerte, la gestion de l'activité russe représente une part importante de la QRA (Quick Reaction Alert).
Malgré tout, le spectre de cette mission de police du ciel est bien plus large, en effet en plus de l'activité militaire elle doit gérer le trafic commercial civil, mais aussi l'aviation de loisir. Avec plus de 30,000 mouvements aéronautiques quotidien au dessus de l'Europe, il a fallu mettre en place une structure permettant de gérer cette énorme flux de vols.
NATO Air Command
A la fin des années 50, avec l'accroissement continu des performances ainsi que l'augmentation permanente du trafic, l'OTAN a dû mettre en place toute une structure permettant de suivre, analyser et éventuellement contrôler tous les mouvements suspects.
Les principes généraux ont été, de mutualiser les moyens des membres, et surtout de considérer l'espace européen comme un ensemble unique.
Actuellement le Air Command qui gère cette mission est situé à Ramstein Air Base en Allemagne. Le volet opérationnel est géré par deux centres (CAOC ou Combined Air Operations Centre), l'un se trouve à Uedem en Allemagne et l'autre à Torrejon en Espagne.
Pour réaliser leurs missions ces deux centres disposent d'une trentaine de stations radar et de plus de trente cinq bases de chasseurs disséminés dans toute l'Europe. Torrejon et Uedem se partagent la couverture du continent en deux parties, une Nord et une Sud délimitée schématiquement par une ligne imaginaire qui passerait de Dijon à Bratislava. Même si l'automatisation et l'informatique sont partout, ce sont toujours les opérateurs humains qui restent la clé de voûte pour toutes les décisions à prendre.
Il est à noter que les CAOC gèrent toutes les menaces aériennes, mais la décision d'intervenir ou pas reste toujours du domaine de la souveraineté national de chaque pays.
En dehors du cas particulier russe, les principaux incidents que traitent les CAOC sont des COMMLOSS (problème ou perte de communication). Ces centaines d'incidents annuels, déclenchent le lancement d'une interception dans environ 10% des cas.
Il faut noter que l'été est propice à une recrudescence de ces événements dû à l'augmentation des vols de loisirs durant cette saison. Le CAOC donnait l'exemple d'un avion de tourisme intercepté deux fois en une semaine, une fois en descendant en vacances au Portugal, l'autre fois en remontant...
Une menace qui traverse l'Europe
En cette belle journée de septembre, le CAOC de Torrejon a décidé de tester les défenses européennes dans des proportions rarement atteintes. Pour ce faire, l'EATC (European Air Transport Command) a mis à disposition un Airbus A321 du 15 Wing de la Composante Air belge, son rôle: simuler un COMMLOSS, une menace sérieuse! En effet, ces dernières années ont malheureusement prouvé qu'un liner peut devenir un danger potentiel (détournement, incident technique, membre d'équipage déséquilibré...) .
Juste après avoir décollé de Melsbroek, l'Airbus prit un cap Est, en direction de l'Allemagne. A peine pouvions nous voir que nous survolions Spangdhalem, qu'une paire d'Eurofighter du JG74 de Neuburg nous prirent en chasse. Les deux machines en montée, arrivèrent rapidement par notre gauche pour noter l'immatriculation de notre appareil, prendre des photos et reporter aux différents centres de contrôle. Après s'être assuré de nos intentions, les chasseurs allemands nous quittèrent à l'approche de la frontière tchèque. A peine arrivé au Sud de Prague et selon la même méthode allemande, deux Gripen nous prirent en compte. Cette fois un des deux Saab resserra sa formation sur notre Airbus, tandis que son allier prenait un peu de distance. Sortant de l'espace aérien tchèque nous prîment un cap Sud, qui nous fit traverser l'ouest de la Slovaquie. Cette fois l'interception des Mig 29 fut beaucoup plus dynamique… et fumante. En effet ceux-ci foncèrent vers nous, arrivés à notre niveau ils entamèrent un virage avec facteur de charge pour nous prendre en chasse. Ils ne restèrent en position que quelques minutes le temps de nous faire prendre en charge par des Gripen hongrois alors que nous venions de pénétrer leur espace aérien. Poursuivant notre cap Sud, nous profitions des superbes paysages croates lorsque des Mig21 de ce pays nous interceptèrent pour une identification fugace et bien courte...
Il était maintenant temps de traverser l'Adriatique, au dessus de laquelle deux Typhoon italiens du 4° Stormo de Grosseto orbitaient déjà. Ceux-ci nous prirent en charge, et nous gardèrent sous bonne escorte jusqu'à ce que nous arrivions à Nice ou un Mirage 2000C de la PO d'Orange prît le relais. Le chasseur delta, à son tour, nous colla jusqu'à ce qu'une paire de Hornet espagnols arrive et nous indique par la même occasion que nous arrivions au dessus de la péninsule ibérique. Puis la remontée en France se fît sous l'escorte d'un Rafale C de Mont de Marsan, qui fut à son tour remplacer par un Mirage 2000-5F venant de Lann-Bihoué alors que nous arrivions à la verticale de Nantes. Alors que nous croisions au dessus de la Manche un Typhoon de la RAF vint à son tour effectuer sa reconnaissance sur notre A321. Enfin, alors que nous commencions notre descente finale sur Bruxelles, une paire de F-16 belge se collèrent à nous pour une impressionnante séance de patrouille serrée avec une visibilité très aléatoire, ceux-ci ne nous quittant bruyamment qu'à un ou deux nautiques du seuil de piste.
Mission accomplie
Même si cette mission revêtait un caractère exceptionnel, elle n'en apporta pas moins la démonstration éclatante que l'OTAN protège efficacement l'espace aérien du vieux continent 24 heures sur 24 et 365 jours par an.
Malgré tout, comme le faisait remarquer le patron du CAOC de Torrejon, il ne faut pas s'endormir sur ses lauriers. Les menaces toujours plus protéiforme ne cessent d'évoluer, et l'instabilité mondiale impose de rester constamment sur ses gardes.
Ceci sous-entend de continuer à moderniser les différents matériels et par voie de conséquence à correctement doter les budgets liés à la défense...